Tout fout le camp !

A quel moment la vie dérape ?

Je ne le sais pas, je ne m’en suis pas vraiment aperçue.

A quel moment cela a-t-il commencé ?

Probablement lorsque positionnée dans les escalators, me laissant porter par le système,  une bande de jeunes hommes, vingt ans à tout casser, s’est excusée poliment pour que je les laisse passer en me disant : « Merci Madame » avec le sourire en plus. Le pire c’est qu’ils avaient  l’air gentil, et bien élevés.

A quel moment cela s’est-il poursuivit ?

Probablement lorsque après avoir écouté la vendeuse d’un magasin de fringues, celle-ci alors que j’avais pris un nombre bien trop important de vêtements dont je n’avais aucunement besoin, me lance un « Au revoir Madame, passez une bonne soirée ! » Accompagné d’un grand sourire fort sympathique ?

Mais putain que se passe-t-il ?

Je n’ai pas quarante ans !!

Autre exemple du déclin programmé ; l’autre jour, je prends le tram à l’heure de pointe. Je reste tranquillement debout face à la double porte vitrée en regardant le paysage, Lady Sir* à fond dans les oreilles, lorsque je sens une main sur mon épaule, puis une silhouette se déplie face à moi, un regard bienveillant posait sur moi, et un jeune homme –la vingtaine, encore- me dis : « Je vous en prie, j’ai été assis toute la journée, je vous laisse ma place ! »

Mais depuis quand cette génération se sent-elle obligée d’être « désagréable » avec ses aînées ?

Non mais sans rire, après le dernier incident, je suis rentrée chez moi, folle de rage. Je me suis déshabillée devant un miroir afin d’observer ma silhouette et d’être certaine que le jeune « insolant » n’avait pas pensé que j’étais enceinte… Après vérification j’ai écarté cette hypothèse… je suis juste vieille pour tous ceux étant âgés de vingt ans maximum.

Je repris le cours de ma petite existence sans incident majeur.

Tout se passait bien donc  jusqu’à la goutte d’eau.Vous savez celle qui fait que vous pourriez tuer la personne en face de vous, mais parce que vous n’êtes pas une psychopathe, vous savez et elle aussi, qu’elle va prendre pour le reste de l’humanité.

Donc je me baladais en ville, prête à dépenser ma prime de fin mois dans quelques boutiques, lorsqu’une bande de nanas me dépasse dans la rue piétonne pour s’enfourner dans un grand magasin que Zola n’aurait pas renié*.

J’aire donc dans ce temple de la consommation féminine, en quête de la dernière crème à la mode, du dernier mascara et de tas d’autres petites choses. Je décide de monter au premier étage au stand d’Agnès B dont j’ai toujours aimé la marque et la politique, en fait c’est acte militant il ne faut pas s’y tromper !

Je flâne, prends un petit pull avec un nœud très discret dans le dos ainsi qu’un tee-shirt blanc « so simple, so chic ». Et puis…  je bug littéralement devant une robe tablier bleu clair. Je m’approche du stand, demande à la vendeuse qui venait de me proposer son aide si elle aurait le modèle en 36 voir 34 ce qu’elle s’empresse d’aller vérifier en réserve.

Et là juste à côté de moi, j’entends des gloussements des jeunes filles croisées plus tôt.

Je jette un coup d’œil bienveillant dans leur direction en attendant le retour de la vendeuse. Celle-ci revient en me disant qu’il ne reste plus qu’un seul 34. Je lui indique que je vais le prendre et me dirige vers les cabines d’essayages. Mes nouvelles meilleures amies sur mes talons puisqu’elles attendaient également des articles que la vendeuse venait de leur ramener. Avec une certaine nostalgie, j’entends le petit groupe converser et rire tranquillement derrière moi, parler d’un certain Steven (franchement à mon époque personne ne s’appelait Steven, sauf un garçon dont le père était américain) mais bon. Le petit groupe semblait suivre la plus petite des filles,  qui avait les cheveux d’une couleur que je n’ai toujours pas identifier malgré le recul.

Je pénètre donc dans la cabine, pose mes autres vêtements sur le crochet prévu  cet effet, tente de rentrer dans la délicieuse robe… Au bout de cinq bonnes minutes vaincue et contrariée, je sors, le petit groupe  devant moi, je tends la fameuse petite robe à la jeune femme responsable des essayages qui me demande ce qui ne va pas ?

Je décide donc de mentir un peu et déclare que la couleur ne me convient pas, j’accompagne le tout d’un sourire et commence à partir lorsque je l’entends souffler « Oui bien sûr ! »

J’ai fait demi-tour, je lui ai demandé de répéter ce qu’elle venait de dire, ce qu’elle fit avec beaucoup d’aplomb, trop d’aplomb. Elle me regarda de la tête au pied avec un air tellement condescendant que j’ai décidé de lui donner une petite explication de texte vitale, notamment en lui expliquant les lois de la gravité, Newton et sa put… de pomme, les vergetures, la culotte de cheval, la cellulite ainsi que l’importance de l’orangeraie « postérieure » sur trouvant sur le séant de ma petite personne, dont elle semblait ignorer le concept. et j’ajoutais au passage que je rentre dans un 38 alors relaxe merdeuse !

Sur ce, je me suis drapée dans le reste de dignité qu’il me restait, le groupe de filles, la bouche à moitié ouverte me regardant comme si j’étais leur mère et que j’allais les punir ; je me suis dirigée vers la sortie, après avoir abandonnée les deux autres articles que j’avais gardé en mains.

Sur le chemin du retour, j’ai pris conscience, que oui, tout fout le camp et que ma réaction n’était pas celle du perdreau de l’année mais plutôt celle d’une vieille emmerdeuse qui glisse « gentiment » mais sûrement vers l’âge de l’aigreur.

On m’avait prévenu sur un certain nombre de choses  inhérentes à l’âge, mais pas sur le fait que c’est franchement désagréable de passer pour une vieille conne !

Imogène

In My Opinion

* Article « Comme une parenthèse suspendue »

* Emile ZOLA, Au bonheur des dames

Imogene

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